Sensibiliser et former les élèves aux enjeux climatiques est aujourd'hui un impératif : l’école peut et doit jouer un rôle central. Mais comment faire concrètement ? Comment donner une place de choix à l’écocitoyenneté dans les apprentissages ? Quelles actions mettre en place en faveur de la biodiversité et du climat au sein des établissements scolaires ? Comment faire face à l’écoanxiété des élèves ?
Dans son nouveau livre, Relever le défi écologique à l'école, Jean-Michel Zakhartchouk répond à toutes ces questions et donne des pistes testées en classe pour que l’école devienne, de la maternelle à l’université, un véritable acteur de la transition écologique. Il met en avant les pratiques d’enseignants engagés et montre qu’il est possible de mettre en place des projets interdisciplinaires variés dans lesquels les élèves s’investissent et apprennent à exercer leur esprit critique et à coopérer.
Entretien initialement paru dans la revue des Cahiers pédagogiques (n°594, juin 2024)
Pourquoi avoir écrit ce livre, quelle est son originalité alors qu’il existe beaucoup d’ouvrages autour de l’écologie ?
Ces ouvrages n’abordent qu’incidemment la question de l’éducation ou n’abordent qu’un aspect de celle-ci, comme la nécessaire reconnexion avec la nature à travers la classe dehors. J’ai voulu, avec ce livre, faire un tour le plus complet possible de tout ce qui peut se faire pour informer et mobiliser les élèves sur ce qui est bien « l’affaire du siècle ».
Pour cela, j’ai fait appel à de très nombreux contributeurs et lancé un appel qui a eu un large écho. Près d’une cinquantaine de personnes ont ainsi participé à l’écriture de ce livre, que j’ai surtout coordonné en reliant les approches tout en apportant ma touche personnelle.
Quels sont les points forts que vous développez ?
J’ai essayé, à travers les différents chapitres, de montrer les liens qui existent entre des entrées différentes, mais complémentaires. Ainsi, il faut à la fois développer l’esprit critique pour lutter contre la désinformation, susciter la confiance dans ce que dit de manière désormais claire la science avec les rapports du GIEC, tout en évitant le dogmatisme et en n’occultant pas les questions qui restent ouvertes, favoriser les sorties dans la nature pour « l’admirer » et mieux la respecter, évoquer les métiers verts et peut-être susciter des vocations…
Il faut surtout éviter les oppositions binaires et les dérives. Le professeur n’est pas un militant, mais il ne peut rester neutre et c’est désormais dans ses missions que de sensibiliser les élèves. Il est bon d’inciter aux « bons gestes » et d’impliquer personnellement chacun, mais il est indispensable peu à peu de faire comprendre que les solutions ne peuvent être que globales et nécessitent un changement civilisationnel, ce que rappelle Aurélie Zwang à la fin de cet ouvrage.
Traitez-vous de l’écoanxiété, dont il est beaucoup question en ce moment ?
Oui, notamment avec la contribution de Simon Klein, qui propose des pistes très concrètes. L’écoanxiété est sans doute inévitable, mais il faut la transformer en désir d’action et non laisser le découragement s’installer et conduire à l’inertie et à l’aquoibonisme…
Pouvez-vous nous en dire plus sur les contributeurs ?
Ils sont donc très variés. D’abord des enseignants du terrain, certains adhérents du CRAP-Cahiers pédagogiques, d’autres non (mais qui pourraient l’être !). Ils racontent de formidables expériences, nous livrent des outils souvent utilisables facilement, tout en réfléchissant toujours à l’impact de leurs actions (auprès des élèves, mais aussi des parents). Et ils montrent l’importance de la pédagogie active si on veut éviter les inefficaces leçons de morale ou les cours scientifiques trop abstraits.
Il y a aussi une réflexion sur les contenus d’enseignement à travers des programmes qui présentent désormais des aspects positifs sur ces sujets, menée par des praticiens, des didacticiens et des inspecteurs. Avec une crainte que la centration sur les « fondamentaux » mette au second plan un travail considéré comme secondaire. On est passé du marginal au « encore insuffisant ». Il ne faudrait pas revenir en arrière et se dire que « l’écologie, ça commence à bien faire » !
Des représentants de diverses institutions interviennent également. L’Office for Climate Education (OCE) en premier lieu, mais aussi la Fondation La Main à la pâte, le Clémi, Canopé, des laboratoires universitaires. Une part a été aussi prise par des chercheurs de l’enseignement agricole. Et encore des associations qui promeuvent des métiers « verts ».
Et je n’oublie pas la belle préface de Jean Jouzel, dont je suis fier, ayant une grande admiration pour ses combats et son énergie. Il nous rappelle l’importance de la diffusion des connaissances scientifiques.
Le livre reprend aussi des écrits publiés dans les Cahiers pédagogiques, mais les contributions sont, dans leur immense majorité, inédites.
Vous avez veillé à ce que soient présentes pratiquement toutes les disciplines scolaires ?
Bien sûr, les SVT occupent une place privilégiée, mais chaque enseignant quelle que soit sa matière pourra trouver des suggestions d’activités, y compris en lettres classiques (une très belle contribution de Laure Pillot). Mais n’oublions pas qu’il faut, pour être efficaces, développer des pratiques interdisciplinaires. À cet égard, l’extinction des EPI (enseignements pratiques interdisciplinaire) au collège est plus que regrettable, car de nombreux projets s’étaient mis en place autour du développement durable.
Justement, en quoi le livre intègre ou dépasse l’éducation au développement durable ?
On sait que cette notion est en débat, mais de toute façon, il faut aller plus loin. L’institution est encore loin d’être à la hauteur des défis qui sont devant nous ! Mathieu Farina fait remarquer que les questions climatiques restent encore peu traitées dans notre école alors que la sensibilisation à la protection de la biodiversité a plutôt progressé. Et on sait que, si l’école ne peut pas tout, loin de là, elle doit remplir son rôle d’éveilleur, pour ce qui va être de plus en plus la préoccupation des citoyens de France et du monde…
Propos recueillis par la rédaction des Cahiers pédagogiques
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