La subsidiarité est une manière innovante d’appréhender le leadership et le management qui repose sur une revalorisation du rôle du manager. De décideur, celui-ci devient un véritable facilitateur et accompagnateur de ses équipes, porteur de sens et de confiance.
Marc Fassier et David Gréa sont les cofondateurs de Spire, un cabinet de conseil spécialisé dans la mise en place du principe de subsidiarité dans les organisations. Ils publient le 12 octobre prochain Pour des managers en soutien. La subsidiarité dans les organisations, un ouvrage dans lequel ils offrent toutes les clés pour mettre en place la subsidiarité, encore trop méconnue, en donnant à tous les collaborateurs les moyens de décider et d’agir en autonomie. À travers des illustrations concrètes, ils proposent un changement de paradigme pour améliorer durablement l’organisation de l’entreprise et garantir des relations vertueuses.
Qu'est-ce que le management subsidiaire ?
C’est un management qui favorise l’autonomie des collaborateurs à partir de relations ajustées à l’ensemble des interlocuteurs pour permettre des prises de décisions pertinentes au plus près des solutions à apporter. Cela se traduit par des managers plus "en soutien" et moins "en contrôle" car ils encouragent le développement des compétences et font grandir le sens de la responsabilité de chacun dans l’organisation.
Le manager subsidiaire conduit tous les collaborateurs qui le souhaitent à trouver du sens dans leur fonction propre, en particulier par le souci de permettre l’engagement de chacun, selon ses possibilités et ses ambitions, dans une solidarité de l’équipe agissant pour un objectif commun. Le management subsidiaire est applicable à tous les niveaux de l’organisation y compris dans la relation aux parties externes que sont les clients, les fournisseurs, les acteurs du territoire, les investisseurs, etc.
En résumé, le management subsidiaire favorise des relations vertueuses avec l’ensemble des parties prenantes de l’organisation et de son écosystème.
Que peut apporter la subsidiarité aux managers et à leurs équipes ?
La subsidiarité a une visée à la fois ambitieuse et très concrète qui résonne comme un véritable défi de notre temps. Elle comporte une visée émancipatrice ayant pour but de favoriser la participation de tous à l’intérêt général d’une organisation et, ultimement, au bien commun de la société dans son ensemble.
Cela passe par une capacité d’agir à son niveau, d’assumer sa responsabilité propre, d’être à l’aise sur les soutiens à trouver ou à apporter autour de soi pour la réalisation des objectifs communs. Chacun est invité à donner le meilleur de lui-même à son niveau comme une personne en relation. Le manager est conscient que la réussite et l’efficacité arrivent par le « bas ». Chaque collaborateur retrouve du sens par sa capacité d’agir à son niveau au service de l’intérêt commun.
Plus concrètement encore, la mise en œuvre des critères de la subsidiarité limite les allers-retours dans la chaîne décisionnelle, elle donne plus de temps aux managers pour mettre en œuvre leur vraie valeur ajoutée, et elle réduit les coûts cachés des dysfonctionnements managériaux.
Vous dites que la subsidiarité est « la mise en œuvre d'un ensemble de critères par des managers en soutien ». Quels sont ces critères ?
Au départ, la subsidiarité est une notion politique qui vise à une prise de décision au plus près des enjeux. Notre expérience a manifesté le fait que, dans une organisation, pour qu’une personne devienne capable de prendre des décisions pertinentes à son niveau, il est nécessaire de déployer d’autres critères. C’est pourquoi nous avons défini la mise en œuvre de la subsidiarité comme le déploiement de quatre critères fondamentaux et de six critères connexes.
La clé de voûte est une autonomie réelle, c’est-à-dire une capacité de choisir ses propres actes en considération du contexte, des objectifs de l’organisation, de sa raison d’être, des demandes extérieures. Les trois autres critères fondamentaux sont la responsabilité, la montée en compétences et l’affiliation comme capacité de se situer dans l’organisation et dans les relations essentielles à sa mission propre. Six autres critères doivent être réunis pour conjuguer l’épanouissement de chacun et la réussite de l’organisation. Il s’agit de la confiance, du droit à l’erreur, de la prise de décision, de la capacité d’initiative, de la solidarité et de la suppléance.
Comment mettre en place une organisation subsidiaire au sein de l'entreprise ?
Il est d’abord essentiel de montrer que de nombreux éléments de subsidiarité sont déjà présents dans l’organisation mais pas suffisamment valorisés. Une première étape de cartographie permet d’identifier les éléments déjà en place et les leviers sur lesquels agir pour renforcer la subsidiarité au sein de l’organisation.
Il s’agit ensuite de passer de la bonne volonté, ou de l’idée, à la mise en œuvre concrète. C’est pourquoi nous avons travaillé à un référentiel d’indicateurs du management subsidiaire qui sont à contextualiser par chaque manager en fonction de l’activité et des personnes.
La subsidiarité étant un principe dynamique qui se déploie dans le temps, il s’agit d’accompagner les managers vers la mise en œuvre de relations subsidiaires avec leurs collaborateurs. Cela se fait par une formation orientée vers la mise en action très concrète sur la base de la co-construction d’indicateurs et de plans d’actions. C’est pourquoi nous avons souhaité développer un outil digital d’accompagnement (Mims®) vers un management subsidiaire. Car un manager en soutien est d’abord un manager soutenu dans une fonction à revaloriser aujourd’hui.
Quels ont été les résultats mesurés dans les entreprises que vous avez accompagnées ?
Nous pouvons parler à la fois de résultats financiers et extra-financiers. C’est pourquoi nous effectuons une mesure d’impact de la mise en œuvre du management subsidiaire à partir des indicateurs élaborés.
Nous évaluons les coûts, souvent très importants, générés par les dysfonctionnements managériaux au sein de l’organisation : les allers-retours dans la chaine décisionnelle, le turn-over, le manque de sens de sa responsabilité propre, des erreurs répétées, l’incapacité d’agir à son niveau, etc.
Les « bénéfices » extra-financiers se traduisent par des salariés plus engagés, des collaborations efficaces et des relations apaisées.
En conséquence, nous réduisons les coûts quotidiens d’un management dysfonctionnel et de la perte de sens au travail qui sont source d'un taux d’absentéisme de plus en plus élevés jusque dans la population des managers. Sans compter que la perte d’attractivité de beaucoup d’organisations est liée à cette demande non satisfaite de relations plus vertueuses.
Nous avons aussi pu évaluer combien la subsidiarité avec les parties prenantes externes déployait des relations gagnant-gagnant.
© ESF Sciences Humaines 2019 . Tous droits réservés . Mentions Légales . cgv . Confidentialité