Andreea Capitanescu Benetti, Sylvain Connac et Laurent Lescouarch ont coordonné un ouvrage novateur sur le plan de travail: Mettre en place un plan de travail en classe. Faire progresser les élèves de la maternelle au lycée, à paraître en librairie le 20 juin.
Coécrit par de nombreux enseignants de la maternelle à l'université, ce livre propose des exemples de plans de travail dans les différentes disciplines (français, mathématiques, histoire, sciences de l’éducation…) et en analyse chaque usage pour permettre aux enseignants de le mettre en oeuvre dans leur classe et de favoriser la réussite de tous.
Comment définiriez-vous le plan de travail ?
Un plan de travail est un outil pédagogique qui aide à gérer l'hétérogénéité des élèves au sein d'une classe. Il donne la possibilité aux enseignants d'organiser le travail des élèves pour que chacun sache exactement ce qu'il a à faire pour acquérir ce que l'école attend de lui ou d'elle.
D'un point de vue matériel, un plan de travail est un document qui est remis à chaque élève. Il est souvent divisé en plusieurs espaces : des consignes communes à tous, des exercices adaptés à chacun et des projets personnels (à l'initiative des élèves).
Pendant des temps de classe et de cours prévus pour le plan de travail, chacun choisit donc une consigne et s'y engage seul ou avec d'autres. Puis il soumet ce qu'il a réalisé à avis ou évaluation par l'enseignant.
Pourquoi avoir consacré cet ouvrage au plan de travail, qui est un dispositif déjà très répandu dans les classes ?
Le plan de travail est un vieil outil pédagogique, initié par Helen Parkhurst aux États-Unis au tout début du XXe siècle. Il revient fortement dans nos pratiques pédagogiques actuelles parce que les différences entre les élèves au sein d'une classe sont importantes et de plus en plus visibles. Comment enseigner face à 25 élèves tous différents ?
Nous avons décidé d'engager ce travail d'écriture parce qu'aucun ouvrage n'a jamais été publié sur les plans de travail (ce qui est très étonnant). Ensuite, parce que de plus en plus d'enseignants pratiquent le plan de travail, pour organiser une différenciation pédagogique qui ne décourage pas les élèves (ce qui est bien malheureusement souvent le cas). Aussi, parce qu'il y a eu plusieurs publications scientifiques sur cet outil qu'il convenait de synthétiser pour les rendre accessibles aux enseignants. Comme tous les dispositifs d'autonomie, il ne suffit pas d'introduire un plan de travail pour que cela fonctionne avec les élèves. C'est d'abord une question de priorités. Nous avons tenté de bien les mettre en apparence.
Quelles sont les différentes formes de plan de travail ?
Dans des travaux plus anciens, nous avons pu distinguer les feuilles de route, les contrats de travail et les plans de travail.
Les feuilles de route correspondent à une liste d'exercices (les mêmes) que les élèves réalisent à leur manière : en choisissant l'ordre, la durée de travail, la manière de les réaliser...
Les contrats de travail offrent aux élèves des progressivités. Par exemple, dans une classe de CM2, tout le monde doit faire de la géométrie. Mais les élèves n'en sont pas forcément aux mêmes apprentissages. Une progressivité donne la possibilité à chacun d'effectuer un travail là où il en est au niveau des apprentissages. Tous font de la géométrie, mais pas forcément les mêmes exercices. Pour des contrats de travail, on utilise du matériel spécifique, comme les fichiers Freinet ou PIDAPI par exemple.
Un plan de travail est un contrat de travail plus ambitieux, puisqu'il encourage les élèves, en plus des exercices communs et des consignes personnalisées, à proposer des projets dont ils sont les auteurs.
Peu importe qu'un enseignant utilise l'une ou l'autre de ces formes. L'essentiel est plutôt dans les précautions prises pour que les élèves ne se sentent pas abandonnés dans trop d'autonomie.
Pourquoi et comment mettre en place un plan de travail ? Quels peuvent être les effets bénéfiques, et les écueils, s'il y en a ?
Chaque enseignant s'organise dans sa classe, et organise le travail des élèves d'une manière très différente. Nous avons souhaité montrer, par les différentes pratiques dès plus petits degrés jusqu’à l’université, des usages différents, des organisations variées et un travail de l’enseignant spécifique, en termes d’étayage et de soutien aux élèves. Ce n’est pas parce que nous avons dit que « c’est du plan de travail », que l’on retrouve les mêmes pratiques d’enseignant, ou le même travail chez les élèves. C’est justement cette variété de pratiques et de postures enseignantes qui nous a fortement intéressé à creuser davantage. À la fois pour voir les pratiques plurielles et ce que cela peut engendrer chez les élèves comme travail scolaire, capacités cognitives, compétences.
Cet ouvrage tente de présenter les principaux risques dans l'utilisation de plans de travail. À travers des textes théoriques et des présentations de pratiques par des enseignants de la maternelle à l'université, il tente aussi d'indiquer les principales précautions à prendre pour que le plan de travail aide chaque élève à progresser.
Quelles précautions prendre ?
La place de l'enseignant qui guide, qui étaye l'élève, est primordiale afin que les élèves soient mis le plus souvent possible devant des situations d'apprentissage intéressantes et stimulantes dans le but qu'ils apprennent, et consolident davantage leurs apprentissages. Ce qui est nécessaire de dire, c'est qu'il n'y a pas de plan de travail sans enseignement et étayage nécessaire aux apprentissages. Ce dispositif ne tient pas "tout seul", ou "debout" si les élèves ne connaissent pas les attentes, et ne retrouvent pas d'aide, de soutien, ou d'étayage lorsqu'ils se retrouvent face aux diverses tâches du plan de travail. Et dans une classe, le plan de travail représente une forme de travail scolaire distribuée, dans laquelle tous les élèves ne sont pas en train de d'atteler à la même tâche en même temps. L'enseignant doit prendre la mesure qu'il est en train de suivre et intervenir sur plusieurs tâches en alternance en passant d'un élève à un autre, afin de lui donner "ce petit quelque chose, ou coup de pouce en terme de soutien", pour avancer et dépasser éventuellement les obstacles inhérents à l'apprentissage scolaire, qui font partie du cours normal des choses lorsqu'on apprend.
Quelle est la place de la coopération entre élèves ?
Peut-être que dans l'imaginaire pédagogique enseignant, le plan de travail est essentiellement vu comme un outil de travail, de différenciation personnelle voire personnalisée. Mais dans les pratiques, au sein du plan de travail, les enseignants peuvent proposer également des activités scolaires, des situations d'apprentissage qui sollicitent plusieurs élèves, ces derniers s'organisant en sous-groupes, en duo, dans des dynamiques collectives. Par exemple : préparer un exposé à plusieurs, mettre en place un projet au service du collectif. Le plan de travail n'est pas seulement à interpréter comme un outil de travail solitaire de l'élève, mais aussi dans le collectif-classe et au service de celui-ci.
Quoi qu'il en soit, et c'est une précaution majeure, le plan de travail ce n'est pas du tout laisser les élèves travailler seul. Une fois qu'ils ont choisi leur consigne, ils peuvent la réaliser individuellement, avec d'autres élèves ou avec l'enseignant, en entretien ou pendant un moment collectif de classe. Ce n'est qu'avec cette conception de la coopération que le plan de travail est un outil pédagogique intéressant.
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