Le monde de l’éducation a vu surgir un nouveau mot : « pédagogiste ». Les pédagogistes seraient ces enseignants jargonnants, laxistes, hors-sol, s'appuyant sur des théories fumeuses. Ils auraient pris le pouvoir dans l’Éducation nationale et contribueraient à détruire le service public d’éducation. Rien que ça !
Professeur de SES et militant pédagogique, Philippe Watrelot a décidé de revendiquer l’étiquette de « pédagogiste » qu’on lui a collée pour déconstruire les clichés sur les enseignants et les pédagogues. Convaincu que les questions d’école nous concernent tous, il appelle à un sursaut des citoyens, des enseignants et des politiques pour faire face aux difficultés de l’Éducation nationale. Dans son essai Je suis un pédagogiste. Gommer les clichés, construire une meilleure école, il fait des propositions innovantes et réalistes pour transformer la gouvernance de l'école, mais aussi l'évaluation, la pédagogie, avec pour objectif majeur la lutte contre les inégalités.
Parce que l'école mérite un vrai débat à l'horizon des prochaines élections.
Pourquoi ce titre provocateur : "Je suis un pédagogiste" et pas "Je suis un pédagogue" ?
« Pédagogiste » est, au départ, une insulte ou du moins un terme péjoratif. Puisque le procédé rhétorique à l’œuvre consiste à parer un ennemi imaginaire de tous les défauts, je m’emploie dans un premier temps à déconstruire les clichés et les caricatures concernant les supposés pédagogistes. Puis, l’enjeu de la deuxième partie de mon livre est de « retourner le stigmate » autrement dit d’en faire un motif de fierté et de revendication.
Dire « je suis un pédagogiste » est, certes, une provocation mais surtout un moyen de lancer le débat et également de permettre à un ensemble d’enseignants de se reconnaitre dans mes propos.
Comment expliquez-vous le nombre de clichés qui circulent sur l'école et sur les enseignants ?
Il y a toujours eu des clichés sur l’école et les enseignants. Comme je le dis dans le livre, il y a en France 67 millions de spécialistes de l’École. Tout le monde a un avis construit à partir de son vécu d’élève, de parent, de grand-parent...
Le problème c’est que si les médias parlent un peu de l’École à l’occasion de la rentrée scolaire ou de quelques évènements, il n’y a pas vraiment de débat documenté et argumenté sur le système éducatif alors que cela mériterait un vrai débat de société. Un des objectifs de mon livre est d’y contribuer avec mon regard de prof de terrain.
Vous pointez du doigt que les "pédagogues" sont taxés de laxisme et d’être responsables de la baisse du niveau. Comment l'expliquer ?
L’accusation de « laxisme », tout comme la rengaine du « niveau qui baisse » font justement partie de ces clichés qui ont la vie dure. Ils sont fondés sur une nostalgie d’une école d’autrefois largement mythifiée et idéalisée.
Le supposé laxisme des pédagogues repose sur l’idée fausse que prêter attention aux difficultés des élèves et se préoccuper de la manière dont ils apprennent conduirait à en rabattre sur les « exigences ». Il n’en est rien. S’adapter n’est pas antinomique de “être exigeant”. S’adapter, ce que nous faisons au quotidien dans nos classes c’est inventer des chemins d’accès, des passerelles. Et c’est finalement être peu exigeant que d’accepter un système éducatif qui crée autant d’échecs.
Quelles sont vos attentes et vos espoirs pour 2022 ?
S’il y a une urgence écologique, il y a donc aussi une urgence sociale. Si la France continue à être le pays où l’origine sociale joue le plus dans la réussite scolaire, il y a un vrai risque d’implosion ou d’explosion sociale. On ne peut plus fonder une politique éducative sur les mythes de l’élitisme républicain et de la « méritocratie ». Je souhaite que l’École soit au cœur des débats.
Au fur et à mesure de l’écriture du manuscrit, l’évidence du calendrier s’est en effet imposée. La deuxième partie de l’ouvrage est offensive et revendicative dans la perspective [des élections présidentielles] de 2022. Le livre n’est pas un programme mais comporte un certain nombre d’idées et de propositions. J’espère qu’elles seront lues et débattues par tous les progressistes et je suis prêt à les défendre avec tous ceux qui s’y retrouveront.
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