Marie-Christine Llorca, docteure en sciences de l’éducation, a fondé et dirige AGO Ingénierie-Formation, institut spécialisé dans l’innovation pédagogique, et a également a participé à la fondation du Cercle Apprendre ensemble autrement.
Alors que nos modes d’apprentissage et de formation évoluent vers une autonomisation des façons d’apprendre, la notion de multimodalité en formation est souvent considérée comme une formation hybride articulant présentiel et distanciel.
L'ouvrage collectif qu'elle a coordonné, Innover en formation avec les multimodalités, sort de cette vision réductrice : faire le pari de la multimodalité, c’est mettre l’individu et le groupe apprenants au centre de la formation, c’est soutenir la capacité à apprendre en comprenant et en vivant des expériences. Au-delà de la forme qu’elle peut prendre, la multimodalité doit se penser comme une occasion d’aménager de manière féconde nos façons de faire apprendre. Les co-auteurs de cet ouvrage ouvrent ainsi les conceptions, étendent la notion de multimodalité à un ensemble de ressources articulées et, de façon très originale, ils présentent une valse de dispositifs d’apprentissage : design thinking et gamification, aménagement des espaces, voyages apprenants…
Selon votre approche, la multimodalité ne se réduit pas uniquement à un format hybride présentiel/distanciel qui intègrerait le numérique. Que signifie pour vous la notion de multimodalité en formation ?
La notion de multimodalités renvoie, selon moi, à une variation dans les modes d’apprentissage proposés : une variation des situations d’apprentissage, de temps, de lieux, de méthodes, de supports et d’occasions d’apprentissage qui vont intégrer plus ou moins le numérique. Les formateurs et les apprenants y gagnent en dynamique créative et en enrichissement mutuel. Dans le dispositif multimodal, il est possible de dépasser le programme de formation pour co-concevoir et garder vivant l’écosystème d’apprentissage.
Quelles sont les conditions nécessaires au bon déroulement d'une formation multimodale ?
En formation, il faut d’abord penser à toujours garder la boussole des objectifs parce que, dans les dispositifs innovants, la tendance serait de faire foisonner les modalités en oubliant leur rôle. Or, l'objectif est le GPS de la destination d’apprentissage.
Ensuite, il est aussi indispensable d'avoir une conception résolument active de la pédagogie avec un fondement socioconstructiviste qui fait le pari de la pédagogie active, de l’intérêt des interactions entre pairs et de la capacité d’auto-apprentissage.
Enfin il s’agit d’organiser le désordre lié à la multiplicité pour que des modalités comme la déambulation, le jeu, le maquettage ou les aménagements flexibles ne fassent pas confondre activité avec agitation motrice. Cela renvoie à la clarté des objectifs évoquée plus haut, mais aussi à la clarté du rôle de chaque modalité, des consignes et des modes de fonctionnement dont on se dote.
Vous consacrez une partie du livre à l'aménagement de l'espace. En quoi l'environnement peut-il influer sur les apprentissages ?
L’espace aménagé est le prolongement de l’intention pédagogique : s’il est mobile, flexible, réaménageable en fonction des usages, il permet une pédagogie fluide. L’acoustique, la lumière, les couleurs, les assises, la présence des plantes, les différentes zones que l’on peut occuper (formelles ou informelles) sont des amplificateurs la pédagogie. Ils autorisent par l’occupation physique de l’espace, le micro- et le macro-mouvement utiles à l’apprentissage.
© ESF Sciences Humaines 2019 . Tous droits réservés . Mentions Légales . cgv . Confidentialité