On l’oublie trop souvent, mais la coéducation est une réalité : c’est le même enfant, qui prend son petit-déjeuner, travaille la journée à l’école sous l’autorité d’un enseignant, est pris en charge par des animateurs… avant de rentrer à la maison.
Professeure des écoles, Clothilde Jouzeau a toujours accordé une grande importance aux relations avec les familles des élèves. Elle a fait le pari d’inviter les parents dans sa classe, pas seulement pour assister à ce qui s’y fait, mais surtout pour co-construire les apprentissages et les différentes activités ou ateliers. Coopérer avec les parents permet de créer un lien fort entre l’école et les familles et d’établir un climat de confiance propice à la réussite de tous les élèves.
Loin de la suspicion réciproque entre enseignants et parents, son livre Mettre en oeuvre la coéducation en classe (à paraître le 16 mars) invite les enseignants à construire une coéducation délibérée et interactive.
En quoi consiste la coéducation ?
En France, la coéducation ne concerne plus l’éducation mixte, considérée comme acquise ; le terme porte sur ce que les différents adultes mettent en place pour l’éducation d’un enfant. Le champ d’application est très large puisqu’il concerne les éducateurs, animateurs, enseignants, agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, auxiliaires de vie scolaire… Le nombre d’intervenants concernés est important. Ce sont tous celles et ceux que croise l’enfant et avec lesquels il interagit, autres enfants compris.
Dans Mettre en oeuvre la coéducation en classe, je m’intéresse plus spécifiquement aux relations mises en place entre les adultes qui interviennent dans la classe : enseignant, ATSEM, AVS, membres du RASED et famille. Mettre en place la coéducation consiste à installer de la cohérence, tant dans le discours, que dans les actes des adultes qui interagissent avec l’enfant. Il s’agit de permettre à l’enfant-élève de grandir, d’apprendre et de s’épanouir de façon la plus harmonieuse possible.
La coéducation ne relève pas alors d’un soutien à la parentalité, ni d’un partenariat. Il s’agit bien d’une co-construction avec les familles qui vise à partir de leurs singularités à créer une culture commune et des savoirs scolaires.
Qu'est-ce que la coéducation apporte à l'équipe éducative, aux familles et aux élèves ?
La coéducation est le dispositif, garant de la cohérence éducative. Non seulement l’enfant-élève est au centre de l’attention, mais il est l’objet des attentions et actions menées. Celles-ci peuvent être conjointes, collaboratives, propre à chaque auteur ; elles n’en sont pas moins respectueuses de l’autre, des autres. Mettre en œuvre la coéducation dans la classe garantit un climat de confiance et de respect mutuel entre tous les acteurs : enfants comme adultes. Les familles se savent entendues, accueillies, elles sont des membres à part entière de l’équipe éducative.
Les rencontres formelles et informelles permettent aux adultes d’apprendre à se connaitre et à construire ensemble des projets destinés aux enfants-élèves, de là nait la confiance. C’est plus que partager les codes de l’école, c’est faire de l’école un espace d’hospitalité, un lieu sécurisant dans lequel il fait bon vivre ensemble, partager et apprendre.
Tous les acteurs sont reconnus dans leur capacité éducative ; leurs différences ne sont pas des freins, mais des richesses à l’origine d’échanges et de partages de connaissances. Chacun y gagne alors en estime de soi. Les enfants sont accueillis dans leur globalité ; curiosité et motivation sont au cœur des apprentissages.
Comment faire concrètement pour réussir à investir les parents ?
Concrètement, le fonctionnement de la classe est présenté et institutionnalisé lors de la réunion de rentrée. Les parents sont accueillis avec leurs passions, leur savoir-faire, leurs compétences qu’ils sont invités à partager en classe, contribuant ainsi à créer des savoirs et connaissances communes. Les compétences particulières deviennent ainsi des savoirs scolaires intégrés aux progressions.
Un tel dispositif nécessite souplesse et lâcher-prise pour l’enseignant qui accueille l’imprévu, mais aussi l’inconnu, tout en restant le garant de ce qui se passe. Il est le « chef d’orchestre » d’une partition à plusieurs voix, qui se réinvente chaque jour et dont il veille à ce qu’elle soit harmonieuse.
Impliquer les parents nécessite d’observer, de respecter les différences et de ne pas juger. Une telle attitude implique de l’empathie, une capacité d’écoute et une disponibilité sans faille. L’enseignant qui s’engage dans ce fonctionnement doit faire confiance à l’autre, mais aussi se faire confiance dans sa capacité à accueillir l’imprévu et construire avec. Coéduquer passe par l’invitation faite aux familles d’assister, mais surtout de participer et de mener des ateliers : jeux de société, lecture d’albums, pratiques musicales, écriture, graphisme, bricolage…
La coéducation peut-elle être mise en place même dans une classe très hétérogène ?
Qui dit classe hétérogène, dit souvent diversité sociale, économique et culturelle des élèves. La classe ouverte est un dispositif qui s’enrichit de cette diversité. Chaque famille invitée en classe possède des compétences, des savoir-faire qui lui sont propres.
Ces invitations sont l’occasion de valoriser les aptitudes manuelles qui sont trop souvent délaissées par l’école aujourd’hui. Concrètement : valoriser le bricolage autant que la lecture, la cuisine que l’écriture… En agissant de la sorte, la valorisation des ateliers menés par les familles permet à chacun de changer son regard sur l’autre : les parents sur l’école et l’enseignant, les enfants sur leurs parents et sur l’école, l’enseignant sur les élèves et leur famille. Ce modèle permet aux enfants de sortir du conflit de loyauté dans lequel ils sont parfois enfermés, aux adultes de dépasser leurs préjugés et mésaventures passées.
L’hétérogénéité des élèves est un catalyseur de la coopération, mais aussi de la collaboration et du partage. C’est un extraordinaire levier pour la mise en place de la classe ouverte qui fait de la différence une richesse, un apprentissage de la société multiculturelle…
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