L’imprévu, comme le crocodile, surgit où on ne l’attend pas.
Effrayant, il peut nous paralyser ou révéler des forces insoupçonnées.
Après son passage, le quotidien, comme le fleuve, redevient calme et reprend son cours.
Passer d’une organisation qui vise à réduire les incertitudes à une organisation qui accepte aussi de naviguer dans l’inconnu est un véritable défi pour le futur. Le monde dans lequel nous vivons est de plus en plus imprévisible et, paradoxalement, nous cherchons à le prédire et le maîtriser. Les situations imprévues nous obligent à sortir du cadre et à révéler des ressources invisibles la plupart du temps.
Consultant en organisation, formateur en management et coach professionnel, Florent Lacour pose un nouveau regard sur l’improvisation au travail qui peut devenir source de performance pour les salariés et l’entreprise. Se distinguant des concepts d’agilité, son approche originale révèle les ressources essentielles pour travailler dans l’incertitude : repenser son management, ajuster son organisation et développer ses compétences pour agir efficacement avec l’imprévu. Car oui, il est possible d’apprivoiser le crocodile !
Nous vivons dans un monde où l’on doit sans arrêt faire face à l’imprévu… Qu'entendez-vous par "improvisation" ?
En effet, notre quotidien au travail est composé en même temps de routines, d’urgences, d’incertitudes et d’imprévus. L’imprévu c’est la situation inédite, sans solution existante à disposition dans l’instant alors qu’il faut agir dans un délai court. À la différence de l’urgence où, dans un même délai, la situation nous est connue.
Dans les deux cas, face à l’irruption de cette situation, nous pouvons être sidérés ou alors nous pouvons agir. Quand nous agissons et décidons face à l’imprévu, nous faisons parfois avec les moyens du bord, nous devons sortir du cadre et trouver dans le moment une solution. C’est cela l’improvisation : une pratique professionnelle où un acte est posé.
Est-ce que toutes les entreprises et tous les salariés y sont confrontés ?
Qui ne se sent pas concerné par l’imprévu ? Est-ce qu’il existe un métier où, jamais ô grand jamais, n’arrive une situation inédite, inconnue aux yeux de la personne qui la vit, sans réponse adéquate disponible immédiatement ? Cela me semble improbable !
Toutefois, selon les secteurs d’activités, l’exposition à l’inconnu et le contrôle du délai de réponse sont plus ou moins sensibles. Par exemple, entre accueillir des demandeurs d’emploi, fournir des documents de certification, produire un bien de consommation à la chaîne, transporter un colis, ou récolter des légumes, on peut se dire que le niveau d’exposition à l’imprévu est différent, et que la volonté de maîtriser les aléas aussi.
Ce qui est intéressant de noter, c’est qu’il existe des entreprises et des institutions qui détestent les imprévus, d’autres où les aléas sont traqués par des machines, et d’autres encore où l’imprévu est accueilli avec joie !
Dans le livre, vous plaidez pour que l'improvisation ne soit plus synonyme d’impréparation et d’anarchie. En quoi l'improvisation peut être considérée comme une qualité, voire une compétence au travail ?
Oui, l’impro c’est pro ! Je pense qu’il faut changer de regard sur ces pratiques. Ce livre est un plaidoyer pour faire reconnaître les improvisations comme des pratiques totalement professionnelles, comme des actions potentiellement performantes, qui sont complémentaires des actions d’adaptation et de routines. Pourquoi les improvisations quotidiennes n’auraient-elles pas droit de cité, elles aussi ? Travailler, c’est à la fois agir de manière organisée et agir dans l’imprévu. Un décideur, un manager, un acteur RH auraient tout intérêt à détecter, mobiliser, piloter les collaborateurs et les activités en prenant en compte les ressources de chacun pour faire face à toutes ces situations.
Une autre raison pour changer de regard sur ces pratiques, c’est qu’elles peuvent constituer des sources d’innovation dans un monde imprévisible. Nous sommes dans une situation paradoxale : plus nous souhaitons maîtriser l’imprévisible, plus il apparaît. Je plaide donc pour le ET : de l’anticipation, de l’organisation, de la planification ET de l’improvisation, de l’innovation émergente.
Comment reconnaître une bonne capacité d'improvisation chez un collaborateur ?
Il faut déjà reconnaître les pratiques d’improvisation, et donc s’interroger sur le regard que l’on porte sur l’organisation du travail et ses limites. Dans le livre, j’explique comment un manager peut intégrer cette idée dans son management quotidien.
On peut émettre l’hypothèse que certains collaborateurs seront plus ou moins à l’aise et performants dans ces situations. Une « bonne » capacité d’improvisation professionnelle s’observe, si en situation imprévue, la personne :
Dans le livre, je propose quelques exercices pour essayer d’identifier quel sorte d’improvisateur le lecteur est au travail !
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