En France, 10% des jeunes sont confrontés à des situations de harcèlement. Face à ce fléau, les parents peuvent se sentir désemparés et ne pas savoir comment réagir pour aider leur enfant.
Dans leur livre J'aide mon enfant à dire stop au harcèlement, Maris-José Gava et Sophie de Tarlé décryptent les rouages du harcèlement et du cyberharcèlement pour répondre à toutes les questions des parents : communication avec son enfant, relation avec l’école, fonctionnement des réseaux sociaux… Ce guide parental donne des clés opérationnelles pour détecter les signes de mal-être et adopter les bons réflexes, accompagner son enfant pour qu’il renforce sa confiance et son estime de lui-même et pour communiquer avec l’école, le collège ou le lycée, les parents, la justice pour mettre fin aux agissements.
À l'occasion de la sortie du livre, Marie-José Gava a répondu à nos questions au sujet du harcèlement scolaire et donne de précieux conseils utiles à tous les parents :
Quel est l'objectif de votre ouvrage ?
Nous sommes parties de ce constat : le harcèlement scolaire est un phénomène multiforme, mais qui n’est pas évident à déceler. Bien souvent, les parents sont démunis et ne savent pas comment réagir quand ils s’aperçoivent que leur enfant est la cible d’agissements malveillants. Dans ce livre, nous avons donc voulu donner aux familles des conseils clés pour identifier, prévenir et réagir aux situations de harcèlement. L’objectif étant de les aider à repérer les signaux avant-coureurs de malaise et à réagir de façon adaptée, à tous les niveaux du processus de harcèlement, que ce soit sur le plan comportemental ou juridique. Nous avons aussi à cœur d’aider les jeunes victimes à déjouer les pièges de la cruauté gratuite. Ils pourront trouver dans la partie « boîte à outils » de nombreuses pistes de solutions pour réagir avant que le harcèlement ne brise la confiance en soi. De même que des axes de réflexion pour mobiliser leur résilience, cette énergie qui permet de rebondir après un évènement traumatisant. En matière de harcèlement, s’il n’y a pas de recette miracle, il y a néanmoins des outils, des stratégies et des comportements qui peuvent aider à affronter les situations difficiles.
Comment savoir si son enfant est harcelé ou harcèle ? Quels signes doivent nous alarmer ?
En tant que parent, il n'est pas toujours facile de déceler ce qui ne va pas chez son enfant, surtout lorsque le harcèlement s’est installé. Le premier réflexe est d’être attentif aux signaux d’ordre général tels que les changements d’humeur, de niveau d’énergie, les troubles du sommeil ou de l’appétit. Les signes excessifs d’inquiétude, de gêne ou de nervosité peuvent aussi laisser supposer que son enfant est fragilisé. Plus précisément, au plan psychologique, les experts conseillent d’être attentifs aux symptômes somatiques tels que les problèmes digestifs, les crampes d’estomac, les vomissements, ou les difficultés respiratoires. Les symptômes émotionnels doivent aussi alerter : agressivité, tristesse, auto-dévalorisation… De même, les oublis fréquents, les idées confuses ou les troubles du langage sont des symptômes cognitifs qu’il convient d’observer. Parmi les symptômes comportementaux, les perturbations alimentaires ou les comportements d’évitement ne sont pas à négliger. Enfin, certains indicateurs doivent alerter les parents tels que les vêtements déchirés, le matériel scolaire abimé ou volé, un refus soudain de déjeuner à la cantine… Tous ces symptômes peuvent devenir véritablement préoccupants lorsqu’ils se cumulent et se répètent de façon anormale. Les parents trouveront dans notre livre un test complet pour détecter ces signaux préoccupants de mal-être.
Quel doit être, d'après vous, le rôle des parents dans la lutte contre le harcèlement ?
Tout ne doit pas reposer sur la capacité des parents à bien armer leurs enfants. Cependant, leur rôle est essentiel dans la prévention du harcèlement et, en particulier, du cyberharcèlement. Les parents doivent en effet sensibiliser très tôt leur enfant aux risques d’Internet, en l’incitant à contrôler sa présence et son image sur les réseaux sociaux. En lui expliquant par exemple de façon argumentée pourquoi il n'est pas conseillé de s’afficher sur Internet sans filtres ni précautions. Il ne s’agit donc pas de poser des interdits mais d’alerter l’enfant sur les dangers de la toile, qui est loin d’être un monde de bisounours. Les parents peuvent aussi inciter leur enfant à se construire un réseau en dehors d’Internet et de l’école, dans une association culturelle ou un club de sport notamment. Il est en effet important que l'enfant fasse partie de plusieurs groupes ; cela contribue à renforcer son système de défense, sa confiance et son estime de soi.
Comment prévenir, voire empêcher, les situations de harcèlement ?
Le harcèlement scolaire est inexorablement générateur d’anxiété chez l’enfant, voire de dépression. Il peut laisser des traumatismes durables même dans sa vie d’adulte. En tant que parent, le premier réflexe, comme on l’a vu, est donc d’être attentif aux signaux avant-coureurs. En prévention, on ne rappellera jamais assez l’importance d’offrir à son enfant un cadre sécurisant et rassurant où le dialogue est essentiel. De nombreuses études ont démontré que le lien et le soutien social ainsi que les liens de parentés sont essentiels au bien-être et à la santé des êtres humains. C’est ce qui va en l’occurrence permettre aux enfants de se forger une sorte de bouclier de protection pour amortir les coups durs dans la vie. Ainsi, des recherches menées au Canada ont montré que le soutien émotionnel offert par un cercle d’amis permet de modérer les sentiments de détresse psychologique, de favoriser l’intégration sociale et, ce faisant, d’empêcher le harcèlement. A contrario, le fait de constamment ressasser ses problèmes avec un seul ami pourrait avoir pour effet d’intensifier la détresse psychologique.
À quel moment doit-on faire appel à la justice ?
Bien souvent, par peur des représailles ou par souci de discrétion, les parents hésitent à monter au créneau lorsque leur enfant se sent victime de harcèlement. Il est pourtant essentiel, dans un premier temps, d’alerter les acteurs scolaires : chef d’établissement, enseignant principal, psychologue…Les associations de parents d’élèves et le référent harcèlement, le cas échéant, peuvent aussi être des relais utiles. Au chef d’établissement de convoquer les parties prenantes afin de connaitre leur version des faits, puis d’envisager des mesures pour faire cesser les agissements répréhensibles. Que les parents envisagent ou non de poursuivre devant les juridictions civiles ou pénales le ou les auteurs des faits, il est toujours important de garder une trace écrite de l’affaire. Il faut savoir que les violences, menaces, injures ou diffamations relèvent d’une infraction pénale. Si le préjudice porte sur la diffusion d’images dégradantes ou de photos privées publiées sur Internet, il est possible d’agir au civil et de demander la condamnation des harceleurs pour violation de la vie privée ou violation du droit à l’image. Les parents ont intérêt à déposer plainte auprès des services de police ou de gendarmerie. Si toutefois ils hésitent, déposer une main courante est conseillé, afin au moins de prendre acte des agissements dont leur enfant est victime.
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