Avoir des beaux-enfants et des beaux-parents ou l’être soi-même est d’abord une occasion de rencontres. Et pourtant, ces nouvelles relations se révèlent souvent complexes, voire potentiellement conflictuelles. Comment être accepté par les parents de son conjoint ? Comment trouver sa place dans cette nouvelle famille ? Comment accueillir les enfants de son conjoint ? Comment apaiser les tensions et parvenir à créer des liens, au-delà des différences éducatives et culturelles ?
Ivy Daure, psychologue clinicienne en exercice libéral à Bordeaux, répond à toutes ces questions avec pudeur et sensibilité dans son nouveau livre Belle-mère, beau-père. Trouver sa place (en librairie le 24 octobre). S’appuyant sur son expérience avec des situations familiales diverses, elle nous invite à envisager le rôle de beaux-parents et de beaux-enfants comme une opportunité.
À qui s'adresse votre livre ?
Ce livre s’adresse à toute personne qui s’intéresse à la question des relations familiales. Être beau-parent ou bel-enfant est une place que nous occuperons probablement à un moment donné de notre vie. Bien entendu, c’est un livre tout à fait intéressant pour les professionnels. C’est un livre pour tous, je rappelle que le beau-parent est le parent du conjoint et le conjoint du parent. Ce sont deux places différentes nommées de la même manière en français.
En quoi la famille influence-t-elle le choix de son ou sa partenaire ?
Nos familles nous influencent certainement, entre fonctionnements, modalités relationnelles, rituels, rythmes, places... ce sont autant d’éléments qui orientent notre façon d’être au monde et les styles de relations que nous établissons avec les autres. Pour le choix du partenaire cela n’est pas différent, l’approbation ou la désapprobation des parents sera un facteur important pour la suite du couple.
Quelle place peut avoir un beau-parent dans la relation avec les enfants du conjoint ?
Les places peuvent être diverses et cela dépend du rôle que le beau-parent souhaite jouer, de la place que le parent ou les parents de l’enfant lui accordent, de l’histoire de la fin du couple d’avant mais aussi de l’âge qu’ont les enfants au moment de l’arrivée du beau-parent dans leur vie.
Selon moi, la meilleure place est celle d’adulte ressource, celui qui est présent mais sans intrusion, sans déplacement des espaces de chacun. Il est là pour les bons moments, pour des échanges constructifs, pour soutenir. Mais surtout pas pour jouer le rôle ingrat de policier, d’éducateur non légitimé.
Quel est le moment idéal pour présenter son nouveau conjoint à ses enfants ? Est-ce qu'il vaut mieux en parler d'abord à son ex ou à ses enfants ?
Cela est très variable en fonction des situations, mais d’une manière générale, il ne vaut mieux pas l'annoncer trop vite après la fin du couple des parents de l’enfant. L'annonce dépendra du style de coparentalité : dans les situations où la coparentalité est fonctionnelle, le mieux c'est de parler à l’ex avant d’en parler aux enfants. Mais dans tous les cas, il ne faut pas qu’il y ait beaucoup d’écart entre l’annonce faite à l’autre parent (l’ex) et celle faite aux enfants.
Est-ce que l'arrivée d'un enfant dans le nouveau couple change l'équilibre des relations ?
Oui, sans aucun doute, cet événement est très important. Ce nouvel enfant crée un lien à vie entre tous les protagonistes, notamment entre le beau-parent et les autres enfants de son conjoint, puisque le beau-parent deviendra le parent du demi-frère ou de la demi-sœur. Et vice-versa, les enfants du conjoint deviendront à vie les demi-frères ou demi-sœurs de son enfant. Des jalousies, des questions sur l’amour des adultes envers les enfants peuvent se poser. Les enfants peuvent se sentir très heureux mais aussi très insécurisés par cette naissance qui construit une nouvelle famille. Dans les contextes de garde alternée, l’enfant du couple reste tout le temps avec ses parents, dans cette unique famille, alors que les enfants du couple d’avant s’en vont et ne partagent donc pas tout le temps de la vie familiale, ce qui crée un certain décalage qui peut être mal vécu par l’enfant et son parent.
Comment gérer la cohabitation d'enfants de parents différents ?
Ce n’est pas facile, les enfants ont une vie relationnelle propre et en fonction des âges, de leurs places dans leurs fratries et dans la fratrie de la famille recomposée, les choses peuvent être très différentes, mais je pense que cette relation est fortement influencée par la relation que le beau-parent vit avec son beau-fils ou sa belle-fille.
De plus en plus de personnes âgées refont leur vie suite à un divorce ou un décès. Quel type de relation cela implique-t-il avec les enfants adultes du couple ?
Il s’agit d’une relation entre adultes, l’influence n’est plus en termes d’éducation, mais plus dans la gestion des temps en commun. Pour autant, la question sera celle de la disponibilité du parent et de la capacité d’ouverture de chacun en ce qui concerne la possibilité de s’adapter aux modalités relationnelles du parent avec ses enfants et du nouveau couple. Il faut malgré tout rester attentif à ne pas froisser les sensibilités des places, un changement fait toujours crise.
Quand un enfant se sépare de son conjoint, les parents doivent-ils aussi se séparer de leur beau-fils ou belle-fille malgré les liens créés ?
Oui, on peut dire en quelque sorte que les beaux-parents aussi divorcent. Pour autant, la relation peut rester respectueuse et affable, les personnes peuvent avoir plaisir à se retrouver. Dans le cas des familles où il y a eu des enfants, là aussi le lien reste à vie, les beaux-parents le seront à vie, pour les grands-parents de l’enfant, l’ex sera toujours le parent de leurs petits-enfants, ces personnes sont donc censées se revoir. Une relation de qualité est bien mieux pour tout le monde, surtout pour les enfants. Cela étant dit, il faut laisser la place à la nouvelle personne dans la vie de son enfant ; les beaux-parents seront possiblement beaux-parents de quelqu’un d’autre. Ils auront eux aussi besoin d’un temps de deuil pour faire évoluer les relations avec l’ex de leur enfant et ainsi se préparer à accueillir le nouveau couple.
On va tous, un jour ou l'autre, avoir ou être des beaux-parents. Est-ce qu’être soi-même beau-parent peut faire repenser sa relation avec ses propres beaux-parents ?
Oui, inéluctablement, devenir beau-parent à son tour va nous apprendre beaucoup au sujet des difficultés et des plaisirs de cette place et sur le positionnement de nos propres beaux-parents. Mais aussi incroyable que cela puisse paraître, il n’est pas rare de commettre les mêmes erreurs que ses propres beaux-parents, à savoir quelquefois des personnes qui ont été rejetées par leurs beaux-parents rejettent à leur tour le compagnon ou la compagne de leur enfant. Mais dans la majorité des cas, cela nous éclaire et nous aide à nous mettre à la place du beau-fils ou de la belle-fille et c’est plutôt une bonne chose.
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